L’ambassadeur - Niger FR
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Paul Tholen
Voir le curriculum vitae de l'ambassadeur Tholen sur rijksoverheid.nl (en néerlandais).
Que représente pour vous la nomination en tant qu’ambassadeur au Niger ?
« C’est un défi et une mission passionnante. Le Niger est confronté à toutes les grandes questions de notre époque : sécurité, terrorisme, migrations, flux de réfugiés, changement climatique et sécurité alimentaire, tout y est. Lorsque nous envoyons un message à la Haye, il est lu. Si les Pays-Bas ont affecté un diplomate à Niamey début 2018, ils n’y ont une ambassade que depuis 2020. Nous avons donc un travail particulier en tant que première équipe de l’ambassade. C’est à nous qu’il revient d’asseoir et d’approfondir la relation bilatérale. »
Dans quel contexte votre équipe et vous-même travaillez-vous ?
« Ces deux dernières années, la situation sécuritaire s’est dégradée à cause des groupes terroristes armés. En 2020, je pouvais encore me déplacer assez facilement dans un rayon de 100 kilomètres hors de la capitale. Aujourd’hui cela n’est possible qu’avec des mesures de précaution. Les zones au nord et à l’ouest de Niamey, le long de la frontière avec le Mali et avec le Burkina Faso, sont particulièrement dangereuses. »
Quels sont les défis majeurs que doit affronter le Niger ?
« Le Niger est un pays extrêmement étendu, et pauvre. Il occupe le 189e rang (sur 191) de l’indice de développement humain. 80 % de la population vit de l’agriculture et de l’élevage, mais de nombreux sols et pâturages sont épuisés. Le pays dispose de ressources minières (uranium, or) et pétrolières, mais leur exploitation est compliquée par les distances énormes et les conditions difficiles du désert. Par ailleurs, le développement économique cède le pas à la croissance démographique. Les autorités ne disposent donc pas de moyens suffisants pour investir dans les domaines de l’enseignement, de la santé et de l’emploi. Le Niger est aussi confronté aux conséquences des flux migratoires qui traversent son territoire et à une insécurité grandissante due aux groupes terroristes. »
En quoi consiste la contribution néerlandaise ?
« Les Pays-Bas fournissent une contribution annuelle de 40 millions d’euros. Ils soutiennent des projets dans les domaines de l’eau, de la sécurité alimentaire, de l’emploi des jeunes, de l’accès à la justice, et de la santé, genre et égalité des droits. En raison du changement climatique, le Niger voit s’allonger les périodes de canicule et de sécheresse. Et lorsqu’il pleut, les précipitations sont beaucoup plus violentes et provoquent davantage d’inondations. En coopération avec l’Allemagne, nous menons un projet fructueux axé sur l’irrigation à petite échelle dans le cadre de la production de légumes destinés à Niamey, le principal marché du pays. Nous montrons ainsi aux jeunes que l’agriculture et l’horticulture rapportent. La jeunesse constitue un groupe cible important dans un pays dont plus de la moitié de la population a moins de 18 ans. »
La contribution des Pays-Bas prend-elle aussi d’autres formes ?
« Nous finançons un projet de l’Organisation néerlandaise de développement (SNV) et de l’opérateur télécom Airtel Niger visant à informer les nomades, sur la base d’images satellites, des lieux où ils peuvent faire paître et boire leurs troupeaux. Les éleveurs appellent à cet effet un service d’assistance qui les renseigne. Les pâturages et l’eau disponibles sont ainsi mieux répartis entre les nomades, ce qui réduit les conflits. Une meilleure dispersion des troupeaux doit aussi permettre la réduction du surpâturage et, dans l’avenir, une utilisation plus durable des prairies et des sources d’eau.
Nous aidons également le Niger, dans le cadre de l’UE, à améliorer la gestion des frontières grâce au déploiement de patrouilles mobiles. Nous contribuons ainsi à la lutte contre la migration clandestine mais aussi à l’amélioration de la sécurité dans les zones frontalières. Nous soutenons également l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans l’accueil des migrants et le retour vers leur pays d’origine. Un projet particulier que nous avons appuyé dans ce cadre a permis de déployer des opérations de sauvetage de réfugiés et de migrants abandonnés dans le Sahara par les passeurs. Lors d’une visite de travail durant laquelle j’ai accompagné les équipes de l’OIM, j’ai trouvé une sandale, au milieu de nulle part, et j’ai réalisé qu’il n’y avait rien à des kilomètres à la ronde. On ne peut alors que penser à la peur et au désespoir des personnes qui se sont perdues et ont erré dans le désert. »
En quoi est-ce important pour les Pays-Bas de soutenir le Niger ?
« Pays de transit pour de nombreux migrants souhaitant rejoindre clandestinement l’Europe, le Niger joue un rôle important dans la maîtrise des flux migratoires. Les migrants viennent principalement des pays d’Afrique de l’Ouest, mais pas uniquement. Les Nigériens qui émigrent en Europe sont du reste peu nombreux. Traditionnellement, ils se rendent plutôt en Algérie, en Libye et au Nigéria. Le Niger est aussi un acteur de plus en plus important de la lutte contre le terrorisme. Le Sahel semble loin, mais l’aggravation de l’insécurité ici comporte des risques pour l’Europe et les Pays-Bas, non seulement pour ce qui est de la migration clandestine mais aussi en matière de trafic de drogue et d’êtres humains. »
Le Niger offre-t-il aussi des possibilités au niveau économique ?
« La population du Sahel connaît une croissance impressionnante et devrait doubler d’ici 20 ans selon les prévisions. Soit, rien que pour le Niger, un passage de 23 à 46 millions d’habitants. Cela ouvre des perspectives, pour le secteur agroalimentaire par exemple. Certains saisissent déjà leurs chances. Des entreprises néerlandaises du secteur des semences ont ainsi conclu des accords de coopération avec des entreprises locales. »
Les ministres néerlandais Liesje Schreinemacher et Éric Van der Burg sont en visite au Niger cette semaine. Pourquoi une telle visite est-elle importante ?
« En tant qu’ambassadeur, je me réjouis quand les ministres prennent la peine de se déplacer ou en saisissent l’urgence. Une telle visite offre à l’ambassade, mais aussi à nos partenaires au Niger, la possibilité de faire connaître la situation ici. Le ministre visitera par exemple un centre d’accueil des migrants, ce qui fera sûrement forte impression. Ce centre héberge des victimes de trafiquants d’êtres humains. Certains ont marché des jours entiers dans le désert, se sont fait voler leur argent ou ont subi des agressions sexuelles. Autant de récits poignants qu’il faut parfois écouter pour travailler ensuite à des solutions efficaces, par exemple en renforçant la coopération juridique en vue de poursuivre les passeurs. »